Les premières rencontres européennes de l’Institut national du cancer ont réuni cent cinquante experts des États membres pour enrichir le plan cancer européen par des actions concrètes. Trente-deux initiatives sont recommandées. Des orientations sur lesquelles se sont engagés la France et les prochains pays qui présideront le Conseil européen.
Pour la première fois, l’Institut national du cancer (Inca) a organisé ces 3 et 4 décembre des rencontres européennes à l’occasion de la journée mondiale du cancer. Un an après la présentation de la stratégie décennale française et du lancement du plan cancer européen, doté de 4 milliards d’euros (lire notre article), le cancer apparaît comme une priorité pour l’Europe de la santé qui se dessine. La présidence française du Conseil de l’UE est une « formidable opportunité pour accélérer les synergies et renforcer les coopérations« , s’est exprimé Norbert Ifrah, président de l’Inca, lors de ces rencontres. Cancers de mauvais pronostics, prévention, cancer et emploi, cancers pédiatriques, coopération internationale… Cinq thématiques phares ont fait l’objet d’ateliers à l’issue desquels cent cinquante experts de tous les États membres ont abouti à trente-deux propositions, en contribution au plan cancer européen.
Une coordination internationale au sein d’un G10
Si les coopérations existent au niveau européen sur de nombreux sujets liés au cancer, les liens doivent se renforcer. Parmi les propositions phares (voir l’encadré), les experts ont notamment proposé la mise en place d’un appel à projets au niveau européen high risk high gain, une mesure qui recoupe un objectif de la stratégie décennale française (lire notre article). Le partage de données en amont, avant que ne soit terminé le projet, permettrait également de mieux comprendre les obstacles et progrès de chacun. Le thème du retour à l’emploi prend aussi une place importante, avec un accent mis sur le développement de législations en faveur par exemple du droit à l’oubli. « Les experts ont émis la volonté de créer l’équivalent d’unG10 qui permet aux pays les plus avancés de se coordonner sur les sujets les plus complexes dans la lutte contre le cancer« , souligne Thierry Breton, directeur général de l’Inca, lors d’une conférence de presse.
Des propositions complémentaires au plan cancer
Une déclaration politique (à télécharger ci-dessous) a été signée par le trio de la présidence du Conseil de l’Union européenne : la France, la République tchèque et la Suède. Stella Kyriakides, commissaire européenne à la Santé et la sécurité alimentaire, se réjouit de cet engagement. « Le cancer doit être une priorité de santé dans tous les domaines, souligne-t-elle. Avec le plan Beating cancer, il y a la volonté que le diagnostic soit soutenu par une meilleure recherche, des campagnes de prévention plus efficaces et une meilleure lutte contre les inégalités de santé. » Elle souligne le lancement en 2021 de seize initiatives majeures, comme le Centre de connaissance sur le cancer, et annonce pour 2022 davantage d’actions financées avec un accent mis sur le diagnostic et le dépistage. Le plan européen prévoit notamment la création d’un registre des inégalités face au cancer.
Le ministre français des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, salue quant à lui une UE de la santé qui « ouvre des opportunités considérables de progrès, autant sur la prévention, le diagnostic précis que sur des services de qualité et les thérapies innovantes« . Ces propositions viennent ainsi compléter et affiner les mesures prévues dans la stratégie décennale française, le plan cancer européen et par la mission cancer de l’UE. Avec l’engagement des trois pays, des rendez-vous réguliers au niveau européen seront organisés sur le sujet du cancer, se projette Norbert Ifrah. Le travail pour concrétiser ces trente-deux recommandations se poursuivra ainsi au long cours pendant la présidence française et celles de ses homologues suédois et tchèque. Le Parlement doit par ailleurs se prononcer le 15 février prochain sur le rapport de la cancérologue et eurodéputée LREM Véronique Trillet-Lenoir (lire notre interview). Elle préconise notamment de renforcer le rôle de l’UE dans la lutte contre le cancer par la création d’un Institut virtuel du cancer et de centres de référence et de recours dans chaque État membre.
Les quinze actions majeures identifiées par les experts
Pour les cancers pédiatriques:
- établir de nouvelles modalités de coordination et de suivi des actions dédiées ;
- garantir le droit des enfants et des jeunes à accéder aux essais cliniques, en renforçant le réseau européen de référence Paedcan et faciliter l’accès aux essais cliniques transfrontaliers ;
- renforcer le partage des données au profit de la recherche et du suivi à long terme des patients.
Pour les cancers de mauvais pronostic :
- mettre en place un appel à projets européen high risk high gain et des programmes de recherche clinique, avec un agenda de recherche translationnelle important ;
- fournir un cadre et des outils pour permettre l’engagement des professionnels de la santé et des chercheurs à partager leurs données en amont des projets ;
- augmenter la qualité et la rapidité des soins, pour le patient en tant qu’individu et pour la population de patients dans son ensemble.
Pour la prévention :
- créer une coalition d’acteurs européens pour promouvoir, intervenir et informer sur la prévention du cancer ;
- promouvoir un environnement favorable à la santé et éviter les expositions à risque ;
- repenser les stratégies de communication à destination des populations et de formation des professionnels.
Pour le cancer et l’emploi :
- mettre en place un cadre juridique favorable pour faciliter le retour au travail et développer le droit à l’oubli ;
- développer une structure d’interaction, des outils et des services pour guider les personnes atteintes de cancer dans le processus de retour au travail ;
- développer la recherche sur le retour à l’emploi des personnes atteintes de cancer en menant un programme européen de recherche.
Pour la coopération internationale :
- créer un mécanisme international de coordination contre le cancer ;
- s’appuyer sur la coopération de l’Ema et de la FDA* sur les cancers pédiatriques, pour l’étendre à d’autres régions et traitements contre le cancer ;
- créer un mécanisme de fonds mondial contre le cancer.